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Introduction aux modèles de coûts pour l’informatique

Un outil utile dans un contexte difficile

Après des années d’augmentation, les budgets des DSI marquent dorénavant une tendance à la baisse. Même à budget constant, le patrimoine applicatif augmente, donc dans le meilleur de cas il faut faire plus avec autant et souvent avec moins.
Cette pression sur les budgets se légitime aussi en partie par le fait qu’il reste souvent difficile d’appréhender correctement l’impact de la délivrance des services sur les ressources financières. Ce qui est parfois difficile pour un CIO l’est encore plus pour des DAF ou des directions générales pour lesquels l’informatique reste encore une science trop hermétique.
Face à des métiers qui n’ont pas de scrupules à challenger la DSI, ou carrément la court-circuiter (on parle du Shadow IT pour la partie de l’informatique qui n’est pas visible par la DSI), la justification des dépenses, du niveau de performance de ses activités et des services fournis deviennent une priorité.
Il n’est pas question de transformer la DSI en centre de profit affichant une rentabilité à 2 chiffres, ça n’a pas de sens pour une entité qui s’inscrit comme une activité de soutien de la chaine de valeur de l’entreprise. Cependant, elle se doit de jouer la transparence sur sa structure de coûts et sur son niveau de productivité. Chaque dépense doit être tracé jusqu’à son usage ultime : la délivrance des services aux clients finaux.
Cet objectif ne peut se concrétiser qu’avec la mise en place d’un modèle économique.


Définition d’un modèle économique

Un modèle économique est la représentation simplifié d’une économie. Pour une DSI, c’est un modèle qui explique l’utilisation et le partage des richesses consommées pour la délivrance des services.
  • Les richesses matérialisent les moyens financiers, pour une DSI c’est ce que l’on nomme communément le budget.
  •  Les services incarnent ce qui est mis à disposition des clients finaux, ce qu’ils peuvent consommer. Pour une DSI, nous avons deux familles de services, le Build pour tout ce qui est transformation, adaptation du SI, et le Run pour la mise à disposition des outils informatiques (applications, poste de travail, téléphonie, …).
A l’entrée de la boîte DSI nous avons donc le budget et à la sortie, le célèbre « catalogue de service ». Et entre les 2, et bien c’est souvent la boîte noire !! En effet comment s’assurer que les activités sont au bon niveau de productivité, que les services livrent une valeur en adéquation avec leurs coûts. Comment responsabiliser les métiers lorsqu’ on est dans l’incapacité de reconstituer le coût complet des dépenses imputées à la DSI qui ont une origine extérieure à celles-ci comme par exemple les coûts d’acquisition et de maintenance des progiciels métiers.
Un modèle économique de la DSI a pour objectif d’expliquer la construction des coûts des services. Il permet de comprendre la répartition et l’intensité des consommations financières par les activités d’une DSI, activités qui sont nécessaires pour la fourniture des services.

Les composants d’un modèle économique pour la DSI

Un modèle économique s’appuie sur une comptabilité analytique. Rappelons que la comptabilité générale se préoccupe de l’enregistrement des flux circulant entre l’entreprise et son environnement, mais pas de la performance économique des fonctions et des produits/services d’une entreprise. Pour juger de cette performance économique, il convient donc de changer de perspective et de passer d’un enregistrement par nature à un enregistrement par destination, ce que permet la comptabilité analytique. Les destinations comptables doivent être comprises comme des axes de répartition utiles à la démarche d’analyse, par exemple la classification des charges se rattachant à l’acquisition d’un cloud privé.
Le plan comptable général définit la comptabilité analytique comme un mode de traitement des données comptables dont les objectifs essentiels sont :
  • De connaitre les coûts des différentes fonctions de l’entreprise organisée en processus et activités
  • D’expliquer les résultats en calculant les coûts des produits - biens et services - pour les comparer aux prix de ventes correspondants
  • D’une manière générale, de fournir les éléments de nature à éclairer les prises de décision
Cette définition est intéressante car elle met en exergue des notions qui structurent un modèle économique pour les DSI :
  • Le découpage en activité
  • La notion de service regroupé dans un catalogue de service

Découpage en activité

Le découpage d’une entreprise ou d’un département en processus et en activité offre un axe d’analyse intéressant :
  • Un processus décrit les activités menées par une entité et justifie la raison d’être de celle-ci, sa mission.
  • Un processus décrit les activités indépendamment des organisations
Les activités sont agnostiques à tout changement organisationnel. Elles sont gages de stabilité et forment de ce fait un axe d’analyse fondamental. De plus, des cadres de référence pour les métiers de l’informatique proposent déjà des modèles d’activité, ce qui évite de repartir d’une feuille blanche. Parmi les référentiels les plus largement déployés, notons :
  • CMMI pour les activités liées à la conduite des projets
  •  ITIL pour les activités liées aux métiers de la production informatique
Ces référentiels forment aussi les fondations des modèles de coûts de l’informatique que sont le modèle du CIGREF ou le modèle du CRIP.

La notion de services

L’objectif ici est de définir le coût de revient des services fournis pour à minima en informer les utilisateurs finaux. A ce stade, il n’est pas encore question de facturation mais simplement de détermination au plus juste du coût. Cela permet déjà d’afficher le coût des services dans l’optique d’influencer le comportement des utilisateurs. Dans un modèle économique, les services sont donc orientés selon une vue client. Le catalogue de service est constitué par l’ensemble des services qui sont visibles parles clients, qui ont du sens pour l’exécution et l’évolution de leur processus métiers. C’est cette optique qui conduit à structurer le catalogue de service d’un modèle économique DSI en deux familles de services :
  • Les services du Build pour les projets métiers
  • Les services du Run pour la mise à disposition des outils informatiques.
En résumé, voici les éléments qui constituent les 3 piliers de la construction d’un modèle économique :
  •  Les ressources financières : les ressources sont agrégées selon des sections analytiques et des centres budgétaires. Le croisement nature de compte, sections, centres budgétaires assure le 1er étage d’analyse de la performance économique (origine et intensité des dépenses).
  •  Les activités : les activités et les processus soulignent les missions d’une organisation. La valorisation des activités forme le 2ième étage d’analyse.
  •  Le catalogue de service : La valorisation des services à partir des activités permet de comprendre leur niveau de cout. Il constitue le 3ième étage d’analyse.
Avec ces 3 étages, il est possible pour toute organisation de construire assez rapidement un modèle économique. Selon le niveau de maturité, il convient d’adopter un maillage plus ou moins large. L’essentiel est de pouvoir disposer rapidement d’axe d’analyse au niveau des centres budgétaires, des activités et des services mêmes si les activités et les services restent à très gros grains.

Les atouts d’un modèle économique

Il apporte un éclairage sur la façon dont les coûts se construisent depuis les ressources jusqu’aux services. Il matérialise l’allocation des dépenses sur les différentes activités. Le regroupement des activités en lien direct avec l’exploitation des technologies (stockage, serveurs, réseaux, sécurité, ….) permet de valoriser le coût complet de ces technologies (le coût complet du stockage, du réseau, de la sécurité,…).
Le croisement entre les activités et les centres budgétaires permet de comprendre la répartition des dépenses dans le coût complet d’une technologie. Par exemple, il est possible de savoir le poids de la matière grise ou le poids des infrastructures dans le coût complet d’une technologie, de connaitre la part des charges fixes vis-à-vis des charges variables (par exemple poids de la masse salariale interne  vs poids des prestations externes).
L’utilisation de référentiel stable permet de faciliter la mise en évidence de tendance dans le temps sur le coût des activités et des services.
La compréhension de la structure de coût permet d’améliorer la politique d’achat non seulement en optimisant le prix d'achat mais surtout en achetant ce qui est réellement utile, i.e ne pas consommé des ressources pour des services qui ne sont pas utiles ou dont la valeur d'usage n'est pas alignée avec ses coûts (cas d'une application en 24/24 mais finalement pas si critique pour les métiers).
Cela permet enfin au niveau des services, d’entamer un dialogue constructif vis-à-vis des métiers, en regardant si le coût du service est en adéquation avec sa valeur d’usage, en révisant à la baisse si nécessaire les exigences de qualité de service et de performance, en décomissionnant  les applications dont le coût devient prohibitif, et en responsabilisant les métiers par l’affichage des conséquences financières de certains choix extérieurs à la DSI.
Cela introduit une logique technique qui explique le coût des activités et des services. Cette compréhension permet d’être transparent sur l’utilisation du budget. Elle permet aussi d’être plus proactif  sur la vision financière à court et moyen terme car il devient plus aisé de simuler l’impact de la variation des activités métier sur la structure de coût de la DSI.
Un modèle économique aide les DSI à se positionner comme un fournisseur de services délivrant de la valeur aux métiers.
Après avoir présenté les principaux éléments d’un modèle économique, nous allons présenter deux modèles de la profession disponible en France à savoir le modèle de benchmarking des coûts du CIGREF et le modèle d’analyse des coûts de la production informatique.

1 commentaire:

  1. Merci Thierry pour cette expertise budgétaire, très intéressante, au cœur du réacteur de l'IT (Système Informatique). Effectivement, sans traçabilité analytique des coûts, les DSI se mettent en porte-à-faux, et tende le bâton pour se faire battre.
    J'ajouterais, que la démarche d'une DSI est régie par un schéma directeur et une roadmap ex post, au niveau SI (Système d'Information), cette fois, et cela permet des projections, par innovation, du futur IT, par rapport à son existant. A ce moment là seulement, des anticipations de croissance (Faire plus avec moins) ou des anticipations de meilleures qualités (Faire mieux avec autant) renforce la nécessité d'une DSI orientée "Digital management", et plus seulement MCO.
    Encore Bravo pour cet article éclairant.

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